NATHALIE GENDREAU, JOURNALISTE, AUTEURE, BIOGRAPHE, ET GÉNÉALOGISTE, SE CONFIE SUR L’ÉCRITURE DE « NORMAN, MON FILS »
- Qu’est-ce qui vous a convaincue de prêter votre plume à Jimmy Edmunds ?
Nathalie Gendreau : Tout d’abord l’histoire émouvante du destin tragique de Norman. Elle m’a bouleversée. Puis, l’amour inconditionnel de ce père qui avait tant besoin de faire perdurer les souvenirs de son fils, de comprendre et de donner un sens à cette existence très brève.
- Pourquoi avoir construit ce roman sous la forme d’une conversation imaginaire, qui plus est, située dans les 4 derniers jours de vie de Norman ?
N.G : Parce que Norman n’a jamais pu parler. Il fallait que je fasse rencontrer le père et le fils avec l’intelligence du verbe. Ce livre devait être une conversation.
- Était-ce une façon de donner de la voix à Norman qui était démuni de l’articulation du langage ?
N.G : Il serait prétentieux de dire que j’étais son porte-parole. Aussi, je dirai que j’étais son canal. Les mots me sont venus sans que je réfléchisse à ce que j’étais en train d’écrire.
- Vous vous êtes donc servi des mots pour lui rendre justice face à l’injustice de son mutisme ?
N.G : C’était ma première intention en effet. Mais en fait, Norman n’avait pas besoin de parole. Avec son père, ils se comprenaient au moindre regard.
- Vous avez fait d’une histoire vraie, une fiction, toutefois écrite dans le présent…
N.G : J’ai fait l’inverse du mentir vrai. J’ai scénarisé des faits réels en fonction de ce qu’était et pouvait penser cet enfant qui n’a jamais pu parler, mais qui s’exprimait à travers un alphabet gestuel. Mon rôle était de donner la parole à Jimmy, de croire en ce qu’il croit et de le porter.
- Comment, justement, avez-vous construit son scénario ?
N.G : En fonction de leur intensité. Par moment, elles pouvaient être violentes. Je faisais alors en sorte qu’il ne convulse pas trop. J’arrivais à le maîtriser et à ce qu’il retrouve son calme.
Je le voyais grâce à sa photo que j’avais placée devant mon ordinateur pour créer un binôme avec lui et afin qu’il me guide. Je me posais quelques minutes devant elle avec une tasse de thé pour me connecter à lui, rester fidèle à celui qu’il était, à l’image que son entourage avait de lui et à sa vérité. Et puis, je le voyais à travers les yeux de son père, de sa famille et de ses éducatrices.
- Vous êtes même allée plus loin dans votre démarche en allant solliciter un médium…
N.G : Oui, celle de Jimmy. Ces séances médiumniques m’ont permis d’être la plus juste possible dans la retranscription de la vérité de Jimmy.
- Alors, qui était Norman ?
N.G : C’était un enfant joueur, espiègle, qui ne se plaignait jamais. Il était heureux de se lever le matin, de gambader, de nourrir des chevaux, de caresser un chien, de jeter des pierres dans un lac. Norman était un enfant comme les autres.
- Au-delà de raconter une histoire, ce témoignage pointe du doigt une dure réalité ; celle du parcours du combattant qu’est de trouver des établissements d’accueil adaptés …
N.G : Au départ, tout s’est bien passé. Norman a été placé dans un établissement. Mais à ses 14/15 ans, Jimmy a dû se débrouiller seul pour lui trouver un institut médico-social adapté. Et en France, il y en a peu. Il est allé en visiter un en Belgique qui n’était pas du tout approprié à l’esprit aventurier de Norman. D’où son projet d’en ouvrir un en France.
- Le combat de Jimmy Edmunds est-il exemplaire ou normal pour un père ?
N.G : Pour Jimmy en tant que père, il était tout à fait normal d’accompagner son fils quoi qu’il en soit. Il a déterminé ses priorités. Chaque jour suffisait à sa joie. Mais pour des personnes lambdas, ce combat est extraordinaire.
- Ce livre est beaucoup plus qu’un témoignage. C’est un cri d’amour…
N.G : Ce n’est qu’un cri d’amour, franc, massif et absolu. Jimmy n’a aucune amertume sur la fatalité de la maladie de son fils. Cette noirceur d’esprit aurait été une perte de temps et aujourd’hui, elle ne pourrait que ralentir son projet de perpétuer le souvenir de Norman.
- Dans sa préface, Églantine Eméyé s’interroge sur le fait de pouvoir vivre pour une seule personne. Jimmy ne s’est aucunement sacrifié. Son amour pour son fils est simplement inconditionnel …
N.G : Exactement. C’est un chemin d’évolution. Norman était son plus beau cadeau. Si c’était à refaire, il ne changerait rien.
- Ce livre est porteur d’un message de bonheur. Peut-on dire que Norman ait rendu son père meilleur qu’il ne l’était déjà ?
N.G : Jimmy Edmunds est quelqu’un d’humble, réservé et généreux, qui essaie de faire les choses du fond du cœur, au mieux de ce qu’il peut. Son fils lui a permis de s’extérioriser, de s’imposer. Donc oui, Norman a sorti le meilleur de son père comme de tous ceux qui le rencontraient. Les personnes que j’ai interrogées m’ont toutes dit que Norman était un enfant qui irradiait d’une lumière particulière. Sa générosité a modifié leur façon de penser.
- Qu’a représenté la sortie du livre ?
N.G : Pour Jimmy, elle a été une grande émotion. L’histoire avec son fils dans laquelle il s’est dévoilé et même mis à nu, devenait un objet littéraire mémoriel symbolique. Pour moi, une crainte d’être dans le juste en ayant mis des mots sur sa douleur. J’ai réussi à restituer la voix de Norman. Je n’avais simplement pas conscience de l’avoir aussi bien fait.